telle que ITSUO TSUDA nous l’a transmise

Quelques-uns des élèves de Me HARUCHIKA NOGUCHI, fondateur de la méthode Seïtaï et du Katsugen Undo, ont entrepris de transmettre cette pratique. L’un d’eux, ITSUO TSUDA a fait connaître cette démarche en Europe dans les années 1970. Il a traduit le terme « Katsugen Undo » qui signifie « le mouvement à l’origine de la vie », par « mouvement régénérateur ».

Le texte qui suit se veut un témoignage authentique du déroulé d’une séance telle que nous l’a transmise ITSUO TSUDA. Le plus important dans la conduite d’une séance réside dans l’état d’esprit que l’animateur installe. La personne qui remplit ce rôle – que l’on nommera « officiant » – doit avoir quelques années de pratique, afin d’insuffler sérénité et confiance. C’est la clé qui permet un véritable lâcher-prise. Cet état d’esprit ne peut être enseigné. Il ne peut résulter que de l’expérience vécue. Les qualités requises pour animer une séance sont l’empathie, la sensibilité, l’attention et la concentration. Un groupe constitue une entité avec sa propre respiration, son propre rythme. L’officiant sait se fondre dans le groupe, tout en restant vigilant et disponible. Les consignes sont communiquées dans le respect de ce rythme, en maintenant l’harmonie.

Première partie de la séance : exercices préparatoires

ITSUO TSUDA insistait beaucoup sur la consigne : « gardez les yeux fermés ». La plupart des exercices décrits ci-après, et surtout la pratique du mouvement régénérateur se font les yeux fermés.
Pour commencer, nous nous installons en cercle.

L’expiration au plexus solaire :

C’est le premier geste que nous accomplissons. Assis en seiza, les genoux repliés, les fesses reposant sur les talons, nous plaçons les mains au niveau du plexus solaire et tous ensemble, après avoir pris une grande inspiration, nous fléchissons le buste en avant en expirant la bouche largement ouverte. Nous recommençons trois fois. Dans cette expiration, nous visualisons de déposer tout ce qui encombre notre esprit.

La chaîne d’activation :

Toujours en cercle, nous saisissons avec notre main droite le poignet gauche de notre voisin, le pouce posé sur l’intérieur du poignet. La main gauche se laisse saisir par notre voisin de gauche. Les paumes sont tournées vers le ciel. Les bras sont légèrement fléchis et l’on ne fait pas peser son bras sur le poignet du partenaire. Si la posture est verticale, détendue, on ne ressent aucune fatigue à garder les bras légèrement fléchis. L’exercice dure environ 2 minutes. Au début et à la fin, grâce à un signal donné par l’officiant, nous coordonnons une grande inspiration que nous faisons tous ensemble. Le reste du temps chacun respire à son rythme habituel en visualisant que chacune de ses expirations se projette par son pouce dans le poignet de son voisin de droite. C’est ainsi que se constitue la chaîne.

A propos de cette grande inspiration qui est coordonnée à plusieurs reprises durant la séance, voici quelques précisions : l’officiant invite à inspirer avec la consigne « inspirez ! … hey ! » : au signal « inspirez », tout le monde expire (afin de se préparer à inspirer) et au signal « hey » tout le monde inspire. Lorsqu’on a aspiré de l’air et rempli ses poumons, avant d’expirer cet air, on fait une légère compression dans le bas ventre. Pour cela, on visualise qu’une partie de l’air inspiré est envoyé dans le bas ventre qui se gonfle et que l’on contracte légèrement, comme si on compressait l’air absorbé. L’émission d’un son, bouche fermée peut aider dans ce processus. Ensuite, on expire normalement l’air contenu dans les poumons. Cette respiration a pour effet de renforcer le hara (bas-ventre en japonais) ou tan-tien (en chinois). Le hara ou tan-tien est le centre de gravité du corps humain et la source du souffle vital, le ki.

La respiration par les mains :

Puis nous faisons « la respiration par les mains ». Toujours en seiza, ou en tailleur si la position seiza est trop douloureuse, nous plaçons les mains devant le visage et concentrons toute notre attention à visualiser notre respiration passant par les mains. « J’inspire par le bout des doigts, j’expire par la paume des mains ». Nous laissons les mains se rapprocher, chacun effectuant le mouvement à son rythme, et continuons cette concentration les mains jointes. Là encore, comme pour la chaine d’activation, au début et à la fin de l’exercice nous coordonnons nos inspirations. L’exercice dure environ deux minutes.

Cet exercice peut sembler absurde puisque notre respiration pulmonaire continue bien sûr à emprunter les voies naturelles. Mais il s’agit d’une visualisation. Tout en respirant normalement, notre intention nous amène dans nos mains. Accomplir cet exercice régulièrement nous fait constater que petit à petit nos mains « respirent ». Elles deviennent sensibles et développent de nouvelles perceptions.

Yuki :

Cet entraînement à respirer par les mains nous prépare à la pratique suivante : « yuki »
A l’époque où j’ai commencé, M. TSUDA avait traduit cette notion de « yuki » par « expiration concentrée ». En effet, il s’agit de poser les mains sur le dos d’un partenaire et de concentrer toute son attention à visualiser chacune de nos expirations passant par nos mains et pénétrant dans son dos. Cette pratique se fait donc à deux.
On commence par se saluer : assis en seiza l’un en face de l’autre, chacun place ses mains au sol devant ses genoux puis fléchit le buste jusqu’à effleurer ses mains avec sa tête et se relève. Ce salut fait partie des traditions japonaises dans les arts martiaux ; dans notre pratique, nous l’accomplissons uniquement dans le but de nous harmoniser l’un l’autre. Cette harmonisation se fait grâce à la respiration. En effet, lorsque je fléchis le buste, j’expire automatiquement, et sans réfléchir, lorsque je me relève, j’inspire. Le salut se fait au rythme de nos respirations et tout l’intérêt réside dans le fait de se relever ensemble afin d’inspirer ensemble. Le moment de l’inspiration est un moment d’ouverture, d’accueil. C’est le moment le plus favorable pour créer une harmonie et préparer deux personnes à travailler ensemble.

Après s’être saluées, une des deux personnes dite le « receveur » s’installe en seiza et l’autre, dite « le donneur » se positionne sur le côté gauche du receveur. Le donneur place ses mains de part et d’autre de la tête du receveur. Sa main droite se place devant la région occipitale et sa main gauche se positionne devant ses yeux. Le donneur visualise alors sa respiration partant de la main droite vers la main gauche en traversant le crâne du receveur sans le toucher, l’idéal étant que le receveur lâche toute tension et laisse tomber sa tête en avant. Ce geste aide le receveur à se détendre et lorsqu’il se sent prêt, il s’allonge à plat ventre, si possible les bras le long du corps et la tête tournée vers la droite, ou dans une autre position confortable, permettant une bonne détente. Le donneur s’assoit en seiza ou en tailleur, et pose délicatement ses mains sur le dos du receveur au niveau de la colonne vertébrale. Ses mains sont en contact avec le dos du partenaire mais sans appuyer. ITSUO TSUDA parlait de l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette… Yuki consiste pour le donneur à concentrer son attention et à visualiser sa respiration passant par ses mains, chaque expiration pénétrant dans le dos du partenaire. Ici, la recommandation expresse est faite de pratiquer ce geste sans aucune intention. Les mains sont détendues, la respiration profonde et toute l’attention est portée à expirer dans le corps du partenaire sans idée préconçue, sans projet. Il peut arriver que les mains se déplacent légèrement. Ce sont les mains qui décident. Pas notre intellect. Les personnes qui ont l’habitude des manipulations, ou qui ont des connaissances anatomiques ou autres, doivent laisser leurs savoirs et leurs habitudes à l’entrée du dojo. Elles les reprendront en partant, comme un vêtement, car nous sommes dans la pratique du « Non Faire » qui implique non vouloir, non connaissance, non but. Les pensées, les préoccupations qui peuvent surgir, nous les acceptons, nous les regardons passer mais ne nous y attachons pas. Nous revenons à chaque fois à notre concentration à expirer dans le dos de notre partenaire. Yuki est une pratique à part entière. Si vous parvenez à faire yuki à un bébé, vous pourrez sentir qu’il s’agit d’une réalité tangible. Le bébé peut se détendre et s’alourdir, comme lorsqu’il s’endort. Nous sommes dans le monde des sensations. Les mots perdent leur sens. Et les explications deviennent vaines…
C’est un acte foncièrement gratuit qui n’est la propriété de personne. Tous les êtres vivants sont capables de faire yuki.
Au bout de quelques minutes (3 à 4 environ), l’officiant dit « changez » et on inverse les rôles.

Le receveur est actif dans cet acte. Il lui est recommandé de concentrer son attention sur les mains posées sur son dos, en visualisant qu’il inspire par ce contact.
Une grande paix peut émaner de cette pratique. Au cours d’une séance collective, le temps est compté et limité par l’officiant. Si on pratique yuki dans un cadre familial, on peut faire yuki le temps que l’on souhaite. Cependant mieux vaut un yuki assez court et bien concentré qu’un yuki long et mou. Le receveur peut s’agacer, et le donneur perdre sa concentration. Les jeunes enfants acceptent souvent yuki, mais généralement, sur des durées très courtes. On peut faire yuki sur des parties du corps en souffrance. Yuki active la vie et peut stimuler le travail du corps. Par contre, il est recommandé d’éviter de faire yuki sur l’abdomen. Les organes sont très sensibles et demandent un toucher plus spécialisé. Il est recommandé de faire yuki sur le dos, au niveau de la colonne vertébrale. Le yuki rayonne alors dans tout le corps. Il n’existe qu’une situation où l’on fait yuki sur le ventre, dans le cas d’une femme enceinte. On fait alors yuki sur l’embryon. Les bébés qui ont bénéficié de yuki pendant la grossesse sont souvent des enfants plus faciles, qui ont tendance à mieux exprimer leurs besoins. ITSUO TSUDA a beaucoup développé ce thème dans ses ouvrages. (voir Tome IV Un, Tome V Le dialogue du silence, Tome VIII La Voie des Dieux, Tome IX Face à la science).

Deuxième partie de la séance : Le mouvement régénérateur

Après yuki, nous abordons la deuxième partie de la séance avec le mouvement régénérateur à proprement parler. Ce mouvement se pratique par la suspension momentanée du système volontaire. Notre corps bouge tout naturellement en permanence, sans que nous y prêtions attention. Avec le mouvement régénérateur nous lui offrons la possibilité d’amplifier et de libérer ce besoin de mouvement. Il ne peut y avoir de modèle à suivre. Le mouvement régénérateur surgissant spontanément selon les besoins de l’organisme, il est propre à chaque individu. C’est pourquoi nous pratiquons les yeux fermés. Il s’agit d’une pratique foncièrement naturelle, qui respecte les particularités de chacun et qui ne nécessite aucun artifice, ni connaissance, ni technique. L’ensemble des exercices décrits ci-dessus (expiration au plexus solaire, chaîne d’activation, respiration par les mains et yuki) permet de nous préparer à la pratique du mouvement régénérateur en nous faisant entrer dans une forme de concentration intime. Ils aident à se vider la tête, à lâcher le mental. L’essentiel réside dans l’état d’esprit. Le groupe est d’un grand soutien pour atteindre une bonne concentration.

Au cours d’une séance en groupe, le mouvement régénérateur peut se pratiquer sous deux formes différentes : le mouvement mutuel ou le mouvement individuel. Dans chaque cas, un geste spécifique est accompli afin de faciliter le déclenchement du mouvement régénérateur :

Le mouvement mutuel

Le déclenchement : stimulation des deuxièmes points de la tête

Le donneur se tient debout derrière le receveur qui lui, est assis. Le donneur pose les pouces sur les deuxièmes points de la tête, le reste des doigts se positionnant naturellement de part et d’autre des oreilles, les coudes légèrement décollés du corps. Les deuxièmes points de la tête sont en relation avec le système moteur extrapyramidal, c’est-à-dire avec le système involontaire. Ils se situent au sommet du crâne, à l’intersection des lignes imaginaires qui passent par les yeux et par les oreilles. Après avoir lancé une coordination des respirations, l’officiant donne la consigne « d’appuyer » et compte jusqu’à vingt, puis il donne la consigne de « lâcher » et compte jusqu’à cinq et recommence 3 fois le cycle. Il est expressément signalé que le terme « appuyer » est une facilité de langage. En aucun cas il s’agit véritablement d’appuyer, mais plutôt d’exercer une très légère pression accompagnée d’un yuki. Au bout des trois fois, l’officiant indique « prenez position ».

Le donneur s’assoit alors derrière le receveur qui va laisser surgir le mouvement. Il pose délicatement les mains sur le dos du receveur (une sur la colonne vertébrale, l’autre sur le côté). Ses mains accompagnent le mouvement, en aucun cas elles ne le guident ou induisent quoique ce soit. Elles sont discrètes mais en même temps présentes. Les deux personnes peuvent déclencher le mouvement mais le donneur reste vigilant à ne pas entraver le mouvement du receveur. En mettant en relation étroite les deux personnes, une circulation et une fusion s’effectuent, activant le mouvement. Au bout d’un certain temps, l’officiant dit « changez ». Sans ouvrir les yeux, les deux partenaires font demi-tour sur place et échangent les rôles. On ne recommence pas la stimulation des deuxièmes points de la tête qui à ce stade de la séance n’ont plus d’utilité.

Le mouvement individuel

La rotation de la colonne vertébrale

Assis en seiza, on effectue une torsion en faisant comme si on allait regarder le bas de son dos, d’un côté puis de l’autre en soulevant légèrement les fesses. Lorsqu’au bas du dos le point de tension est à son maximum, on relâche d’un seul coup, comme un élastique. On effectue ce mouvement 7 fois alternativement de chaque côté, en commençant du côté gauche. Le rythme d’exécution s’accélère progressivement.

Les trois expirations :

Ensuite on exécute 3 fois le geste de déclenchement du mouvement : à l’inspiration, on lève devant soi les deux bras tendus, les pouces bien enfermés dans les poings. En expirant on fléchit les bras, les coudes écartés, les poings à la hauteur des oreilles, la tête rejetée en arrière, les mâchoires serrées. Un point de tension doit se sentir au niveau de l’occiput. Chacun trouvera la position des bras qui lui convient pour obtenir ce point de tension. Puis on termine l’expiration en relâchant les bras qui tombent sur les genoux. Le tout est exécuté avec un certain dynamisme, le corps entier participant et l’expiration se faisant en deux temps bien marqués. Après avoir exécuté 3 fois ce geste, on reste assis sur place et on laisse surgir le mouvement. La spécificité de ce geste réside essentiellement dans la respiration. En effet, les bras étant levés, lorsqu’on les fléchit sur le côté on ouvre la poitrine ce qui entraîne naturellement une inspiration. Or, nous expirons, ce qui provoque une légère anomalie favorisant le déclenchement du mouvement régénérateur.

En général, la séance dure environ une heure au total.
L’ensemble des exercices préparatoires s’accomplit en une bonne vingtaine de minutes. Il reste donc environ quarante minutes de pratique du mouvement à proprement parler.

Lorsque l’heure s’est écoulée, l’officiant donne la consigne : « faites l’inspiration »
Chacun à son rythme reprend la posture en seiza et accomplit le geste qui va arrêter le mouvement :

Les trois inspirations de fermeture :

Les pouces à l’intérieur des poings, on fait une grande inspiration en levant les bras qu’on fléchit en mettant la tête en arrière jusqu’au point de tension à la base de l’occiput. Et seulement à ce moment-là, on commence à expirer et à lâcher doucement les bras et en ouvrant les mains à la fin de l’expiration. On fait ce geste 3 fois. ITSUO TSUDA indiquait toujours : « à la première inspiration, ouvrez l’œil gauche, à la deuxième inspiration, ouvrez l’œil droit ».
Il est recommandé ensuite, de rester tranquille sur place, assis ou allongé, 2 ou 3 minutes avant de se relever.

Toutes ces précisions concernant la pratique du mouvement régénérateur ne sont données qu’à titre indicatif, un certain nombre de détails ne pouvant faire l’objet d’une description écrite. Rien ne pourra jamais remplacer l’expérience du vécu.

Quant aux personnes désireuses de s’initier à cette pratique, elles sont vivement encouragées à le faire au sein d’un groupe, avec un officiant expérimenté.

Même si le mouvement régénérateur peut se pratiquer seul à la maison, il est notable que les séances collectives au dojo, lieu dédié à la pratique, favorisent l’intensité de la concentration et activent l’émergence du mouvement régénérateur.

Photos et/ou illustrations réalisées par l’association ARNF en 2023 à Toulouse et libres de droits

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.